Rôle sexo-spécifique et collecte de l’eau des zones humides au Burkina Faso

La Politique Nationale sur les Zones Humides du Burkina Faso indique que 1794 zones humides naturelles et artificielles sont dénombrées sur le territoire national. Le Burkina héberge 18 Sites Ramsar. Ces zones humides reçoivent l’eau, la stocke, l’épure, la transporte et la distribue de l’amont à l’aval des bassins versants.

Repère des premières civilisations, l’eau est une ressource importante pour la survie des espèces vivantes. Au Burkina Faso, l’usage des eaux de récupération est distinct selon le sexe du collecteur. En effet, la collecte et la gestion de l’eau par la gente féminine permettent d’accroître sa disponibilité pour les usages domestiques.

La propagande à l’émancipation des femmes n’a pas eu d’influence sur l’énergie qu’elles déploient pour la collecte d’eau. En effet, pour des usages domestiques, la collecte de l’eau est une tâche purement féminine. L’Observatoire de Population de Ouagadougou (OPO) révèle en 2012 que dans 5 ménages sur 6 de la ville de Ouagadougou, la personne responsable pour la collecte de l’eau est une femme de 26 ans et plus. On note que l’eau collectée par les femmes à partir des zones humides est principalement destinée à la consommation ménagère (eau de boisson, transformation des Produits Forestiers Non Ligneux, teinture, etc.) et à la culture maraîchère. En revanche, les hommes en utilisent pour les infrastructures sociocommunautaires (fabrication de briques, construction de maison, de greniers et de lieux de culte, etc…), pour l’élevage d’animaux domestiques, pour l’irrigation de rente, etc. Contrairement aux femmes, l’usage de l’eau faite par les hommes génère des revenus.

Il est bien connu qu’au Burkina, l’usage de l’eau des zones humides varie selon un transect Nord-Sud. Au Nord, l’activité économique essentielle est l’élevage qui est pratiquée par les deux sexes alors qu’au Sud la gente masculine se déploie pour l’agrosylviculture irriguée qui est extensive. Autour et dans les sites miniers implantés à proximité des zones humides, le prélèvement de l’eau est fait en grande partie par les hommes. Cette eau est revendue aux exploitants miniers.

La disparité sexo-spécifique de la collecte de l’eau des zones humides serait liée à la biographie du pays où l’on note toujours une influence des pesanteurs socio-culturelles. A titre illustratif, au lac Dem, Site Ramsar N°1882 localisé dans la zone du plateau central avec le mossi comme ethnie prédominante, «une bonne épouse est celle dont la jarre ne manque jamais d’eau de boisson». En revanche dans la zone sahélienne à climat plus sec, compte tenu des pénuries récurrentes d’eau douce, les deux sexes ayant comme occupation le pastoralisme, s’en donnent à la collecte d’eau principalement destinée à la consommation humaine et animale. 

Ainsi on constate que l’homme et la femme dans leur rôle respectif ont des enjeux différents en matière de récupération, de collecte et de gestion de l’eau des zones humides au Burkina Faso. La bonne connaissance de cette responsabilité permet une gestion coordonnée de la ressource eau et des écosystèmes vitaux en vue d’une optimisation équitable pour le bien-être économique et social ainsi que pour la pérennité de la diversité biologique et culturelle. 

Par Aïcha Tapsoba (Economiste de l'Environnement, INERA-DPF) et Paul Ouedraogo (Ecologue, Conseiller pour l’Afrique, Ramsar)