Les zones humides et l'évolution du climat

24 mars 1998

Les zones humides et l’évolution du climat – Rapport de Kyoto

La troisième Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, tenue à Kyoto en décembre 1997, est sans doute la plus gigantesque séance de tractations commerciales que le monde ait jamais connue. Et ce n’est pas tout: le Protocole de Kyoto a des répercussions extrêmement sérieuses sur la santé des écosystèmes, y compris des zones humides de la planète.

Le débat était alimenté par des appels à limiter et réduire immédiatement les émissions de gaz à effet de serre. Le sentiment d’urgence provenait de plusieurs facteurs: l’inertie du système climatique aujourd’hui reconnue et les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) selon lequel environ la moitié - et peut-être moins - du réchauffement planétaire dû aux augmentations observées des concentrations de gaz à effet de serre a eu lieu à ce jour. Du fait de l’inertie, toute mesure prise pour ralentir le réchauffement ne sera efficace que graduellement. De plus, un changement majeur du climat ne peut disparaître rapidement, même si l’on prend des mesures draconiennes en réaction.

Le GIEC a souligné qu’il était, certes, essentiel de lutter pour une utilisation efficace de l’énergie mais que cela ne suffirait pas à résoudre la question des changements climatiques. Il faut donc, de toute urgence, redoubler d’efforts pour mettre au point d’autres sources d’énergie primaires n’émettant pas de carbone. Il est clair qu’en choisissant des sources d’énergie renouvelables, on réduira nettement la pression qu’exercent sur les zones humides, l’utilisation des forêts de mangroves et du combustible provenant des zones humides.

Les changements climatiques ont été présentés comme un des principaux stress pour les écosystèmes et les ressources d’eau, leurs effets venant s’ajouter à ceux des modifications induites par l’homme et de la pollution ainsi qu’à d’autres effets indirects de l’utilisation des ressources naturelles. Parmi les écosystèmes qui pourraient souffrir le plus de l’évolution du climat se trouvent ceux des hautes latitudes, comme les forêts boréales et la toundra, et ceux dans lesquels convergent différents types d’habitats, par exemple, là où les prairies rencontrent les forêts, là où les forêts font place à la végétation alpine.

La répartition géographique des zones humides pourrait changer à mesure que l’on enregistrera des changements dans la température et les précipitations, avec des conséquences encore inconnues pour les émissions nettes de gaz à effet de serre des zones humides non tidales. Certains écosystèmes côtiers (marais d’eau salée, écosystèmes de mangroves, zones humides côtières, récifs coralliens, atolls coralliens et deltas) sont particulièrement vulnérables aux changements climatiques, entre autres pressions. Des modifications de ces écosystèmes auraient de graves répercussions sur l’approvisionnement en eau douce, la pêche, la diversité biologique et le tourisme. Beaucoup sont déjà sous pression du fait des activités de l’homme et pourraient être fortement modifiés ou diminués, tant dans leur étendue que dans leur productivité suite à l’évolution future du climat.

Une occasion pour Ramsar et la communauté des zones humides

À Kyoto, la question des sources et puits naturels - ainsi que de leur utilisation abusive pour compenser les émissions de carbone et dans le contexte d’un système mondial de droits de pollution - a suscité des débats animés en raison, surtout, des marges d’erreur qui empêchent, à l’heure actuelle, de faire un calcul précis des sources et puits terrestres. Se pose, en outre, la question de temps – c’est-à-dire que pour avoir le même effet qu’une diminution des émissions de combustible, le carbone stocké dans des projets de reboisement (ou même de création, restauration et protection de zones humides) devrait rester isolé de l’atmosphère pendant très longtemps. Il ne semble pas qu’il y ait de preuves scientifiques permettant d’affirmer que l’intégrité des forêts et des systèmes de zones humides en tant que puits de carbone puisse être garantie pour des décennies, sans parler de siècles.

S’appuyant sur les lacunes des méthodologies et des connaissances relatives au cycle et au stockage du carbone dans les écosystèmes, Ramsar et la communauté des zones humides pourraient apporter leur expertise collective et préparer un chapitre ou des chapitres sur des lignes directrices et des méthodes d’évaluation de tous les types de zones humides, pour le troisième rapport d’évaluation du GIEC qui devrait être approuvé fin 2000 ou au début de 2001.

En outre, il serait essentiel de mettre sur pied un réseau d’observation et d’alerte précoce permettant de décrire précisément les changements climatiques attendus, si l’on veut disposer d’une base aussi solide que possible pour traiter la question des changements climatiques. Le travail de Ramsar et de la communauté des zones humides sur l’évaluation des zones humides et la surveillance des changements dans les caractéristiques écologiques pourrait apporter une contribution importante à cet égard.

Et si l’on en juge par l’attention considérable accordée à Kyoto à la recrudescence des épidémies de certaines maladies infectieuses portées par les moustiques et d’autres maladies transmises par l’eau, ainsi qu’à la diminution de l’eau potable due aux bouleversements des structures hydrologiques induits par l’évolution du climat, il y a place pour une contribution allant dans le sens de la Résolution sur Ramsar et l’eau.

-- Ken Lum, consultant spécial Ramsar