Allocution à la presse (le 31 octobre 1996) de Mme Louise Lakos, Présidente du Comité Permanent de Ramsar

08 novembre 1996

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes réunis ici pour célébrer le 25ème anniversaire de la Convention de Ramsar, la Convention sur les zones humides. Le texte de la Convention de Ramsar (qui tire son nom de son lieu de naissance, la ville de Ramsar sur les bords de la mer Caspienne en Iran) a été arrêté en février 1971. La Convention est le premier des accords intergouvernementaux modernes sur la conservation de la nature et les ressources naturelles. Mais qu’entend on par zones humides et pourquoi doivent-elles faire l’objet d’une convention intergouvernementale? Les termes "zones humides" eux-mêmes sont nouveaux et peu familiers aux non initiés. La Convention adopte une définition très large, qui ne couvre pas seulement les lacs ou les marais, mais aussi les rivières, les tourbières, les estuaires, même les mers peu profondes et les récifs coralliens. Depuis longtemps, en Europe surtout, les zones humides ont mauvaise réputationdans la culture populaire: marais et marécages étaient des lieux malsains à éviter. Aussi, depuis deux siècles, sont-ils considérés comme des friches qu’il faut drainer, assainir et éliminer sans merci.

C’est seulement dans les années 60, alors que les zones humides disparaissaient en Amérique du Nord et en Europe, qu’on s’est rendu compte qu’elles étaient parmi des lieux les plus productifs de la terre. Elles fournissent - sans qu’il en coûte rien - une foule de services utiles à l’humanité: elles conservent et protègent les nappes phréatiques; elles absorbent les crues des rivières et protègent contre les tempêtes côtières; elles purifient les rivières et les cours d’eau; elles produisent du poisson, des pâturages, du bois d’oeuvre; et en plus, elles favorisent la diversité biologique - oiseaux d’eau, mammifères, plantes, reptiles, amphibiens - ce qui a une valeur scientifique intrinsèque considérable et en outre offre à l’humanité des possibilités récréatives considérables. De nombreuses cultures non européennes reconnaissent naturellement ces avantages et ces valeurs, surtout lorsqu’ils présentent un intérêt économique direct pour leur mode de vie.

Les pères fondateurs ont estimé que la perception des zones humides devait changer, et qu’il fallait que les gouvernements prennent des mesures pour les conserver et les utiliser rationnellement. C’est pourquoi Ramsar a été établi sous la forme d’un traité intergouvernemental dont les Etats deviennent membres au plus haut niveau. Ramsar a été le précurseur d’autres conventions dans ce domaine, comme la Convention sur le Patrimoine mondial de 1972, la CITES en 1975, et les Conventions sur la diversité biologique et le changement climatique, établies au Sommet de la Terre de Rio de Janeiro en 1992.

A ce jour, 94 Etats ont adhéré à Ramsar. La première des principales obligations qu’ils acceptent est de désigner au moins une zone humide pour la "Liste des zones humides d’importance internationale" de Ramsar. Ils doivent naturellement maintenir les caractéristiques écologiques des zones humides ainsi désignées. Jusqu’à présent les 94 membres ont désigné quelque 850 zones humides couvrant 500.000 kilomètres carré, soit une surface égale à la superficie totale de la France ou de l’Espagne. La seconde obligation consiste à faire une "utilisation rationnelle" de toutes les zones humides, qu’elles figurent ou non sur la Liste Ramsar. (Par "utilisation rationnelle" nous entendons la même chose que par "utilisation durable"). Les Etats Membres ont consacré beaucoup de temps et d’effort à la définition de "l'utilisation rationnelle". Ils ont conclu que ces termes désignent l’établissement de politiques nationales en matière de zones humides qui placent celles-ci dans le contexte de la planification nationale générale de l'occupation des sols et de l’utilisation de l’eau. Dans les prochaines années, la Convention liera la conservation des zones humides à l’utilisation rationnelle des ressources en eau, puisque l’eau sera l’une des ressources stratégiques du siècle prochain.

L’utilisation de l’eau et le développement de politiques nationales en matière de zones humides sont au coeur du Plan Stratégique approuvé à la sixième session de la Conférence des Parties à la Convention de Ramsar, qui a eu lieu cette année à Brisbane, Australie, à l’occasion du 25ème anniversaire. Ces sessions, qui réunissent tous les Etats membres, ont lieu tous les trois ans.

La manifestation d’aujourd’hui coïncide avec la réunion annuelle du Comité permanent de Ramsar, l’organe exécutif qui s’occupe des affaires en cours de la Convention. Le Secrétariat (ou "Bureau") de Ramsar est installé à Gland (qui présente l’avantage d’être à proximité des secrétariats d’autres organisations internationales ayant leur siège dans la région de Genève); le Comité permanent se réunit donc souvent sur les berges du lac Léman. Les autorités suisses au niveau fédéral, cantonal et à celui de la commune se sont associées pour célébrer le 25ème anniversaire aujourd’hui et je tiens à les remercier d’avoir pris cette initiative, ainsi que de maintenir leur appui à la Convention de Ramsar. La Suisse est naturellement membre depuis longtemps; elle a adhéré en 1976, a désigné huit zones humides suisses pour la Liste Ramsar, et elle fournit une aide financière à d’autres Etats Membres, en particulier ceux dont l’économie est en transition ou qui font partie du monde en développement, les aidant ainsi à faire face à leurs obligations découlant de la Convention. Les ambassadeurs et les diplomates de nombre de ces pays assisteront à la célébration d’aujourd’hui.

Nous espérons faire en sorte que les 25 prochaines années enregistrent des progrès continus vers la conservation de différents sites de zones humides, ainsi que l’adoption de politiques rationnelles dans le domaine de l'utilisation de l’eau.


Mme Louise Lakos, Présidente du Comité permanent de Ramsar depuis 1993, est Chef adjoint du Département pour l’intégration à l’Europe et des relations internationales au Ministère hongrois de l'environnement et de la politique régionale à Budapest. Elle a précédemment été haut fonctionnaire puis conseillère ministérielle à la Division des organisations internationales du même ministère, et a une longue expérience de la coopération de son gouvernement avec les organisations intergouvernementales (par exemple PNUE), des ONG (UICN, Wetlands International, BirdLife International) et les secrétariats de conventions (par exemple Ramsar, CITES, Patrimoine mondial, Convention de Bonn sur les espèces migratrices). Mme Lakos a participé en qualité de chef de la délégation hongroise à la Quatrième Session de la Conférence des Parties contractantes à la Convention de Ramsar (Montreux, 1990) et a été membre suppléant du Comité permanent pendant la période triennale suivante, devenant Présidente du Comité à partir de la Cinquième Session à Kushiro, Japon (1993). Elle est actuellement aussi Vice-présidente du Centre Naturopa du Conseil de l'Europe.