Les Courtils du Marais Vernier, site Ramsar, France : un héritage paysager remarquable

Le Marais Vernier (Normandie, France) est un marais de 4500 hectares serti dans un ancien méandre de la Seine, non loin de l’embouchure. Occupé par l’une des plus vastes tourbières françaises dans sa partie sud, ce marais encore empreint de naturalité offre un contraste saisissant avec la rive droite de la Seine, très industrialisée.

Fruit d’une coévolution entre la Nature et l’Homme, le Marais Vernier est un patrimoine exceptionnel tant sur le plan de l’écologie que des paysages et de l’histoire, ce qui lui vaut des reconnaissances nationales (réserves naturelles, parc naturel régional, etc.), européennes (Natura 2000) et, depuis 2015, internationales, avec sa désignation au titre de la convention de Ramsar.

veloppé dans la partie sud et sud-ouest du marais et associé aux sources qui l’alimentent en eau.

Issu de la période médiévale, ce parcellaire a fortement évolué pendant huit siècles tout en conservant sa typicité liée aux contraintes édaphiques et hydrauliques du marais.

Il est fort probable que les invasions vikings qui ont eu lieu dans le Nord de la France soient à l’origine de ce système. En témoignent les éléments de toponymie comme le « chemin de Boël » (en vieux norrois, « boël » désigne une longue parcelle défrichée perpendiculairement à une route principale) situé dans la commune de Bouquelon, qui elle-même tire son nom de cette racine (en vieux norrois, « bouquelon » signifie un bois de hêtres).

Le terme « courtil » a trait au fait qu’une partie de ces bandes de terres tourbeuses, bordées par de petits fossés dirigeant les eaux des sources vers des fossés principaux du cœur du marais, était dévolue à la culture maraîchère de subsistance avec des variétés de fruits et légumes comme le melon sucrin de Honfleur ou le Coco du Marais (type de haricot). La tourbe issue des fossés servait à relever le niveau des terres destinées à produire ces cultures. La majeure partie des parcelles continuait également à servir de pâturage ou était fauchée pour le foin ou les litières.

Dans ce marais semi-circulaire, les parcelles convergent vers le centre sans toutefois l’atteindre. Leurs longueurs varient entre 650 mètres dans la commune de Marais Vernier et 1250 mètres dans la commune de Bouquelon. 

Depuis une cinquantaine d’années environ, les profondes évolutions socio-économiques ont entraîné des modifications de la gestion de ce parcellaire : les pratiques de maraîchage ont presque disparu et l’élevage, faute de rentabilité, s’y maintient difficilement. 

Le Conservatoire de l’espace littoral et le parc naturel régional des boucles de la Seine normande aident cependant les éleveurs à poursuivre l’activité d’élevage, selon un cahier des charges respectueux des valeurs écologiques et patrimoniales du site.

La réserve naturelle des Courtils de Bouquelon, avec ses 70 hectares de courtils, constitue un modèle de gestion écologique de cette zone humide. Elle a une grande valeur pour la biodiversité et y accueille nombre de visiteurs.

 

Par Thierry Lecomte (https://courtilsdebouquelon.wordpress.com/)

Thierry Lecomte, Docteur en écologie, s' est spécialisé depuis 40 ans sur la question des zones humides ainsi que sur les relations entre les herbivores et la biodiversité. Président de divers conseils scientifiques, il est également membre fondateur et administrateur de Ramsar-France.Il habite en Normandie dans la zone humide du Marais Vernier où il exerce la fonction de Conservateur d'une réserve naturelle.